20 août 2025
Vincent Galliot, de l’informatique au maraîchage bio
Par
Aude Ristat
Est-ce que tout cela n’était pas un peu fou ? La question trotte encore dans l’esprit de Vincent Galliot, onze ans après avoir quitté sa vie derrière un écran pour se retrouver les mains dans la terre. À Collonges-au-Mont-d’Or, ce maraîcher bio cultive aujourd’hui des légumes anciens et rares, avec la même rigueur qu’un chef de projet, mais bien plus de sérénité. Dans le cadre de la série Les portraits de l’été – La série qui donne envie de bifurquer, il raconte ce qui l’a poussé à quitter l’informatique pour revenir à la terre, entre quête de sens et goût retrouvé du concret.
©En un battement d'aile
Vincent Galliot, vous n’avez pas toujours été paysan. Avant de vous reconvertir, vous étiez chef de projet. Quel a été l’élément déclencheur de votre bifurcation ?
J’ai commencé à travailler dans un jardin partagé en 2012. Mais ce qui a vraiment tout déclenché, c’est mon licenciement en 2014. À ce moment-là, j’ai fait le choix de me réorienter dans un domaine plus en adéquation avec mes valeurs. J’avais un peu plus de 40 ans, et je me suis dit que c’était le moment ou jamais. J’ai eu le soutien de ma famille, ce qui m’a énormément aidé.
Ensuite, j’ai été accompagné par la Direction Régionale de l'Alimentation de l'Agriculture et de la Forêt (DRAAF), qui propose un super accompagnement pour les porteurs de projets agricoles. J’ai aussi été à la rencontre d’autres maraîchers, notamment Le Boule d’Or à Curis-au-Mont-d’Or, un autre à Saint-Cyr et un dernier à Saint-Étienne-les-Oullières. En les voyant travailler, je me suis dit que mon projet tenait la route.
Enfin, je me suis formé : j’ai passé un Brevet Professionnel Responsable d’Exploitation Agricole (BEPA) pour acquérir les compétences techniques nécessaires.
Quand vous repensez à vos débuts dans le maraîchage bio, quelle image vous revient ?
Le souvenir le plus fort, c’est le moment où je suis arrivé sur le terrain. Il venait d’être défriché par un paysagiste, c’était nu, brut, deux hectares à mettre en culture. Il m’avait dit : « Quelle aventure quand même ! » Et moi je me suis demandé : est-ce que je vais y arriver ? Est-ce que c’est pas un peu fou, tout ça ? J’avais pas mal de doutes. Et puis on commence les démarches, petit à petit, et les choses se mettent en place.
À quoi ressemble votre activité aujourd’hui et quel type de légumes cultivez-vous ?
Je cultive des légumes assez classiques : courgettes, tomates, poivrons, aubergines… mais avec la particularité qu’il s’agit de variétés anciennes. Contrairement aux variétés hybrides du commerce, sélectionnées pour leur apparence, leur productivité ou leur résistance, les variétés anciennes ont plus de goût et de qualités nutritionnelles, même si elles sont moins productives. Je cultive par exemple un poivron chocolat, à la couleur étonnante, mais très digeste. Le chef Christian Têtedoie l’a goûté cru et m’a dit qu’il le digérait parfaitement, ce qui n’était pas le cas d’autres variétés.
Vous travaillez d'ailleurs depuis 2018 avec le chef étoilé lyonnais, Christian Têtedoie. Comment se passe votre collaboration ?
Chaque semaine, je lui envoie la liste des légumes disponibles, et il fait sa sélection. Il est déjà venu plusieurs fois, il a même animé des ateliers de cuisine sur place. Il s’implique dans la sélection, il aime la nouveauté, l’originalité. Je lui propose des variétés à tester, et s’il me dit « banco », on essaie.
Certains produits deviennent des incontournables, comme le piment de Bresse, qu’il utilise partout, même dans les desserts comme la glace aux fruits. Il est également très intéressé par le travail du Centre de Ressources de Botanique Appliquée (CRBA), à Charly, dont je suis partenaire. Ce centre cherche des variétés anciennes dans le monde entier et les remet en culture. C’est un vrai travail de fond.
Qu’est-ce que ce changement de vie vous a apporté humainement, ou dans votre rapport au vivant ?
Humainement, c’est d’abord l’autonomie. Je fais mes choix, je les assume. Et j’ai un lien direct avec les clients. Quand ils me disent que mes légumes sont bons, qu’ils se sont régalés, ça a une valeur énorme – que je ne trouvais pas dans l’informatique.
Et puis le rapport au vivant, c’est tout autre chose. On est sur des temps longs. Au début, le sol était pauvre, car il venait d’une agriculture conventionnelle, et au fil des années avec les apports, les soins, le compost… tout cela a amélioré les choses.
Mais on ne maîtrise pas tout. Le climat, les ravageurs, les aléas… on apprend l’humilité. On fait de son mieux, mais il faut accepter que tout ne marche pas toujours. C’est vivant, c’est précieux.