17 sept. 2025
À La Mulatière, le Faitout lutte contre la précarité alimentaire par la cuisine solidaire
Par
Florence Gault
Installé en 2023 dans une ancienne cantine de cheminots à La Mulatière, aux portes de Lyon, le Faitout est un tiers-lieu dédié à l’alimentation durable, créé par les associations Singa Lyon et Bellebouffe. Il propose une cantine bio et locale à tarification solidaire, accueille des cuisiniers en résidence et héberge des structures de l’économie sociale et solidaire.
©Lionel Rault
Ce jeudi 10 juillet, le soleil brille sur La Mulatière et au Faitout, on s’active pour préparer le déjeuner. Au menu : salade de crudités et melon, moussaka ou tortilla avec sauce au yaourt, et pour le dessert, un gâteau au chocolat avec de la pomme. Le tout orchestré par le chef Maxime Peyroche.
Une cantine bio, locale et inclusive
À la cantine du Faitout, on privilégie des produits de saison, locaux, biologiques et en circuits courts. Pour cela, Maxime Peyroche s’approvisionne essentiellement auprès de Bio A Pro, une coopérative locale de producteurs et productrices bio du Rhône et de la Loire qui livre les professionnels de la restauration. « Je vais faire mes menus en fonction des produits de saison disponibles », explique le chef.
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Maxime Peyroche tient à lui tout seul la cantine. À ses côtés aujourd’hui, Iman. « Ici, je n’ai pas un travail de cuisinier classique, comme je travaille avec des bénévoles », témoigne Maxime Peyroche. Le Faitout propose le programme Tremplin, un programme d'immersion pour découvrir les métiers de la restauration, s'essayer à la cuisine, au service, en lien avec les habitant·es. Deux profils y participent : des personnes en reconversion professionnelle pour découvrir le métier ou des personnes sans droit ni titre qui viennent travailler le français, comme c’est le cas d’Iman.
Ce tiers-lieu « engagé et gourmand » est né de l’élan de deux associations : Singa Lyon, qui œuvre pour l’inclusion des personnes réfugiées et migrantes, et Bellebouffe, engagée pour un système alimentaire plus juste, écologique et solidaire. « L'enjeu pour nous, c’est d'avoir un lieu qui permet de transformer notre société avec comme point d'entrée l’alimentation », explique Marie-Amandine Vermillon, coordinatrice de Bellbouffe, cofondatrice du Faitout. Et permettre « à toutes et tous d’accéder à une alimentation de qualité ».
Accueil, convivialité et tarification solidaire
« Un lieu aussi où on prône l'accueil inconditionnel », ajoute Baptiste Peycelon, directeur du Faitout. La convivialité est au cœur du projet : une grande tablée favorise « un espace de rencontre, soit entre habitants habitantes, soit entre professionnels de structures du secteur ».

La cantine du Faitout ©Lionel Rault
Sela, originaire du Kosovo, a découvert le Faitout grâce à sa fille, qui y a fait du bénévolat. C’est un habitué. Il trouve l’équipe très accueillante, même s’il regrette parfois que les clients de la cantine ne se mélangent pas plus : « Ce n’est pas gentil de dire ça, mais je vais souvent aux Petites cantines du Vieux Lyon et je trouve que l’ambiance est meilleure. »
À midi, une vingtaine de convives sont attendus. La cantine du Faitout fonctionne sur un principe de tarification solidaire. Trois tarifs sont proposés : un menu complet à 13 euros, un tarif réduit à 8 euros pour les personnes pour qui le prix plein serait trop élevé, et un tarif « invitation » gratuit, destiné aux publics accompagnés par des structures sociales partenaires. Comme le souligne Marie-Amandine Vermillon, « les personnes qui accèdent à ce menu-là peuvent donner un petit peu plus au moment de payer ce qui alimente une caisse de solidarité ». Celle-ci finance les tarifs réduits et gratuits, également abondée par des subventions publiques et privées.
Un modèle économique à consolider
En 2024, première année pleine d’activité, Le Faitout a rassemblé près de 1 800 adhérents, contre seulement 300 à 400 lors de la demi‑première année. Le coworking affiche complet et les demandes de privatisation d’espaces ont presque triplé. Mais le modèle économique reste fragile, confronté notamment à la baisse des subventions publiques. Pour assurer sa pérennité, le Faitout devra diversifier ses ressources et séduire de nouveaux partenaires privés.
Les tickets d’invitation, qui permettent d’offrir des repas gratuits, sont encore insuffisamment utilisés. Certaines ambitions sont également contraintes par la taille du lieu. « On avait envie de développer un commerce alimentaire, une épicerie solidaire, mais on n’a pas les mètres carrés suffisants », explique Marie-Amandine Vermillon. L’équipe teste et ajuste constamment ses activités, comme les ateliers de cuisine ou le café social, pour répondre aux besoins du quartier et étendre l’impact du projet malgré ces contraintes.