17 oct. 2025

Urgence écologique, autant en rire ?

Par

Anne Devineaux et Florence Gault

Écoanxiété

3 mins

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Écoanxiété

3 mins

Face à l’angoisse climatique, le rire s’impose de plus en plus comme un moyen de respirer. Début octobre, lors du Greener Festival à Lyon, la journaliste Florence Gault a enregistré une table ronde, en public, pour explorer le rôle de l’humour dans le débat écologique. Trois invité.e.s : Laure Noualhat, journaliste et autrice de Comment être écolo sans finir dépressif ?, Éric La Blanche, auteur de Osons la colère ! et complice des sketchs de Bridget Kyoto, et Marie Orsi, humoriste du Greenwashing Comedy Club, qui revendique un humour « post-traumatique ».

©Agence Mymetic/The Greener Good

Rire du dérèglement climatique… cela peut sembler insolent, presque irrévérencieux. Comment envisager le rire face aux catastrophes qui menacent déjà nos vies et celles des générations à venir ? Pour Éric La Blanche, « l’humour, c’est un antidouleur ». Avec Laure Noualhat, il crée il y a quinze ans Bridget Kyoto, un personnage acide inspiré de Bridget Jones : « Quand on a créé les premiers sketchs, c’était une mise à distance. Personne ne réagissait face à la catastrophe annoncée. On s’est dit : “Essayons d’en rire.” » Laure Noualhat renchérit : « L’humour, c’est la politesse du désespoir, comme disait le réalisateur Chris Marker. Ça m’aide à tenir. C’est aussi un petit fluidifiant social : ça me permet de voir avec qui je ne m’entendrais jamais. »

Bridget Kyoto, la satire comme exutoire

Née en 2010, Bridget Kyoto mêlait écologie, colère et dérision. « Bridget Jones comptait ses kilos, moi mes kilos de CO₂ ! » raconte Laure Noualhat. Le ton grinçant du personnage permettait de se moquer à la fois « des industriels qui nous mènent à la catastrophe et de certains écolos qui nous y mènent aussi ».

Pour Éric La Blanche, « l’humour, c’était une autre façon de faire entrer les infos dans le cerveau ». Chaque sketch reposait sur un fond journalistique : « Quand on rit, on apprend mieux, on mémorise mieux. » Si le succès est confidentiel à l’époque, Bridget Kyoto reste étonnamment actuelle : « Le seul avantage d’avoir aussi peu avancé sur le plan de l’écologie, c’est que nos blagues sont toujours valables. »

Rire, colère et éco-anxiété

Le rire a cette capacité étrange : il nous aide à respirer dans l’adversité, à traverser l’urgence et l’inquiétude, à supporter ce qui semble insupportable. Il peut être une soupape, un révélateur, un geste de résistance, ou simplement un moyen de mettre en lumière l’absurde. Ou au contraire, frapper là où ça fait mal, pour nous réveiller.

Eric La Blanche, lui, revendique la colère comme moteur : « Une colère bien gérée, ça produit de la mise en commun, des manifestations, des actions. C’est une énergie gratuite et renouvelable. »

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L’humoriste Marie Orsi, quant à elle, détourne avec humour ses propres angoisses : « Mon éco-anxiété a annulé mon anxiété ! Quand je me projette sur l’avenir de la planète,  mes problèmes à moi me détendent ! »

Laure Noualhat y voit d’ailleurs une émotion nécessaire : « L’éco-anxiété a permis de nommer un mal-être réel, cette peur de l’avenir, cette tristesse devant un paysage perdu. Le vrai problème, c’est qu’on sait ce qu’il faut faire, et qu’on ne le fait pas. » Mais pour Éric La Blanche, « on ne devrait pas être éco-anxieux, mais éco-terrifiés ».

L’humour, entre ouverture et banalisation

Peut-on rire de tout ? Pour les trois intervenants, le rire reste un formidable levier de lien social. « L’humour attire aussi des gens pas forcément écolos », souligne Marie Orsi, membre du Greenwashing Comedy Club. « C’est un pont. Il ouvre la discussion, même là où on ne s’y attend pas. »

Mais Laure Noualhat alerte : « Trop de dérision peut mener au découragement. On rit, on dénonce, mais derrière, est-ce que ça fait bouger les choses ? » Éric La Blanche nuance : « L’humour ne renverse pas les régimes, mais il les fissure. Les Bolloré, les patrons de Total détestent ça, parce que contre ça, ils ne peuvent rien. »

Alors que le monde se crispe, les intervenants plaident pour préserver cette liberté salutaire. « Je trouve le monde assez bizarre : les comiques parlent de choses sérieuses et les gens sérieux sont comiques », ironise Éric La Blanche.

Et Laure Noualhat de conclure :  « le rire est un muscle : il faut l’entretenir, surtout dans une société où tout le monde se sent offensé. Rire de soi, c’est une hygiène mentale. »


Découvrez la table ronde, enregistrée en public le 5 octobre 2025 au Greener Festival :

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