28 avr. 2025
Chez Daddy, un café pour retisser des liens entre générations
Par
Baptiste Boucher
En 2021, 530 000 personnes âgées étaient en situation de "mort sociale" en France. Face à cette solitude alarmante, le café Chez Daddy a été créé pour offrir un lieu de convivialité intergénérationnel. Des espaces solidaires qui permettent à des personnes isolées de se retrouver autour d’un café, de repas partagés et d’activités ludiques.
Nous sommes au 66 cours Suchet, dans le quartier de Perrache, à Lyon. Ce jeudi 10 avril, il fait grand soleil. Les habitués de Chez Daddy partagent en terrasse un repas avec toute l’équipe du café. L’occasion de partager quelques souvenirs d’enfance en fin de repas. « Quand j’étais petite, on allait chercher de l’eau dans le puits du jardin tous les jours », raconte une adhérente qui n’a pas voulu dévoiler son âge. Marie, une des salariées du café, lui répond avec humour : «Et on devait faire 15 kilomètres à pied en pente pour aller à l’école ?! »
Le nom, Chez Daddy, porte en lui une forme de promesse. Celle d’un lieu accueillant, familial, à l’image de ce "Daddy" qui a inspiré le projet à Philippe Albanel : un grand-père chaleureux, qui ouvrait sa porte à tout le monde. « C'était une première source de motivation. Le reste est venu quand je travaillais en tant qu’auxiliaire de vie. Je voyais tellement de personnes âgées qui ne recevaient aucune visite. Je me suis dis qu’il fallait faire quelque chose », raconte-t-il.
Le concept est simple : un café intergénérationnel avec de grandes tablées et des jeux de société pour passer un bon moment tous ensemble. « Il y a quelque chose de très fort dans le café. Tout le monde sait que c’est ouvert à tous et on n’a pas tous ces préjugés qu’on pourrait avoir sur d’autres lieux, comme les centres sociaux, explique Philippe Albanel. C’est aussi une manière de faire revivre la nostalgie des bistrots de quartier d'autrefois où tout le monde se connaît. ».
Un lieu pour tisser des liens entre générations
Mais, réussir à créer la rencontre n’est pas si évident. C’est pourquoi dans chaque établissement existent des tisseurs de liens. Leur mission : aller vers les visiteurs, repérer les personnes isolées, et engager la conversation. Ces bénévoles créent des ponts entre générations. « Quand quelqu’un pousse la porte du café, on va vers cette personne afin de la mettre à l’aise. On a un rôle d’intermédiaire dans les discussions », explique Marie, tisseuse de lien en service civique au café Daddy Perrache.
Marlène vient au café depuis son ouverture en 2022. Elle est résidente de la résidence intergénérationnelle Rinck, qui se situe juste au-dessus du café. Chaque jour, elle passe au café. Au programme, aujourd’hui : un atelier d’initiation aux nouvelles technologies. Marlène compte bien y participer : « j’aime bien ces petits ateliers, les jeunes viennent nous aider et ils essayent d’améliorer notre quotidien. On ne trouve plus ça partout de nos jours, c’est vraiment dommage », témoigne-t-elle.
Un café pensé pour être au plus près des personnes âgées
L’emplacement des cafés n’est pas choisi au hasard. Avant de se lancer dans l’aventure Chez Daddy, Philippe Albanel travaillait dans le secteur de l’aide à domicile pour personnes âgées. Le premier café, celui de la Croix-Rousse, a donc été construit en bas de son agence d’aide à domicile. Celui de Perrache, par exemple, se situe au rez-de-chaussée de la résidence intergénérationnelle Rinck, occupée par 80 personnes âgées. « J’ai voulu créer un endroit facile d’accès, où on peut venir sans prise de tête. On peut juste venir et se servir un petit café ou pas, ce n’est pas obligatoire », précise le fondateur de Chez Daddy.

Chez Daddy Perrache ©En un battement d'aile
Selon une étude menée par Les Petits Frères des Pauvres en 2021, 530 000 personnes âgées sont en situation de "mort sociale", c’est-à-dire qu’elles ne rencontrent jamais (ou très rarement) d’autres personnes : ni famille, ni amis, ni voisinage. C’est près de deux fois plus qu’en 2017. C’est face à ce constat préoccupant qu’est né le café Chez Daddy. Et ce phénomène ne touche plus seulement les seniors : les étudiants et jeunes actifs, souvent éloignés de leurs proches, sont eux aussi concernés. 45 % des adhérents de Chez Daddy ont moins de 60 ans.
Un modèle économique fondé sur la solidarité
Chez Daddy, l’adhésion se fait à prix libre et ainsi profiter du café, du thé ou de la limonade en self-service, ou alors faire un don à l’association du montant de son choix. Et ça marche, deux mois après son ouverture le 30 janvier dernier, le café de Caluire comptait 400 nouveaux adhérents. Mais il est compliqué de faire vivre un café uniquement grâce à la générosité des habitués.
Il a fallu repenser tout le concept du café pour en arriver là où ils en sont aujourd’hui. « Au début, on avait pensé à proposer une toute nouvelle carte avec des boissons et de la nourriture payantes. Mais cela n’a pas plu à notre clientèle d’origine. On a dû revenir un peu en arrière, en gardant quand même quelques options payantes, et ça a l’air de marcher », ajoute Philippe Albanel.
Le café de Perrache possède une vraie grande cuisine. Tous les jours, ils préparent un menu entrée, plat, dessert à 19,50 euros. Les plats sont cuisinés sur place par leur cheffe, Chloé. « Pendant le repas, on mange tous ensemble, c’est plus convivial. Et de toute façon, il n’y a pas mieux qu’un bon repas pour sympathiser avec les gens », explique Salomé, la coordinatrice du café de Perrache.
Il existe actuellement cinq cafés : trois dans le Rhône (Lyon Croix-Rousse, Lyon Perrache et Caluire), un en Haute-Savoie (Thônes), et le petit dernier qui vient d’ouvrir à Sainte-Foy-lès-Lyon (Rhône), en plein cœur du centre hospitalier. Un autre café devrait voir le jour avant la fin de l’année à Lille, dans le Nord.