23 juil. 2025

Marie Nguyen, de la cancérologie à la mode éthique avec WeDressFair

Par

Inès Krimi

Société

4 mins

Société

4 mins

Société

4 mins

En 2018, Marie Nguyen a quitté le monde de la recherche scientifique pour s’engager dans la mode responsable. Elle a cofondé, avec Antoine Coulaud, la plateforme WeDressFair, qui référence des marques éthiques et écologiques, en ligne et dans deux boutiques à Lyon et Paris. Dans le cadre de la série Les portraits de l’été – La série qui donne envie de bifurquer, elle revient sur les raisons qui l’ont poussée à changer de voie et sur les étapes de son engagement pour une transition écologique concrète, entre bénévolat, conscience sociale et envie d’entreprendre autrement.

©En un battement d'aile

Vous êtes la cofondatrice de WeDressFair, un réseau de marques écoresponsables. Comment vous est venue l’idée du projet ?

Je n’étais pas du tout dans le secteur de la mode. Je suis arrivée là grâce à mes engagements bénévoles, notamment avec l’association Le Carillon à Paris – aujourd’hui La Cloche – et aussi une recyclerie, La Mine. Ces expériences m’ont fait réaliser qu’on récupérait beaucoup trop de vêtements, souvent inadaptés aux besoins réels. Par exemple, pour les femmes à la rue, les besoins sont spécifiques : surtout des sous-vêtements, qui sont rarement donnés. Alors à 25 ans, je me suis achetée une machine à coudre, et j’ai transformé des tee-shirts en culottes pour les distribuer. C’est comme ça que je suis tombée dans le textile, en tirant le fil.

Ensuite, j’ai voulu monter un projet de revalorisation locale des textiles, puis j’ai été sélectionnée dans le parcours de Ticket for Change. C’est là que j’ai rencontré Antoine, mon conjoint et associé, et on a décidé de s’attaquer non pas aux conséquences, mais aux causes du problème. Si on arrive à  réguler et couper le robinet, on aura moins de vêtements. Et on arrivera à avoir une solution un peu plus pérenne que simplement de mettre du scotch dans une baignoire qui est constamment en train de se vider.

La boutique We Dress Fair, à Lyon ©En un battement d'aile

Avant cela, vous étiez dans la recherche en cancérologie et biotechnologie. Qu’est-ce qui vous a poussée à changer de voie ?

J'aime bien expliquer dans ce genre d’interview que ce qu'on entend à la télé, l'entrepreneur qui a un déclic, qui se réveille un matin, en disant « je vais monter cette boîte », ça n’existe pas ! C’est souvent une succession de doutes, une période qui dure plus ou moins longtemps.

J’ai fait presque six ans d’études, puis on m’a proposé une thèse. Mais trois ans d’engagement, c’était trop à ce moment-là. Je commençais à sentir un décalage. Je voulais résoudre des problèmes, aller plus vite, et on me disait : « Ce n’est pas ton métier ». Le cadre devenait trop serré. J’adorais la science, mais ce n’était plus suffisant. À côté, j’étais bénévole dans deux associations. J’avais besoin de plus.

Je voulais être mon propre patron, explorer ce qui m’intéressait. On m’a prise pour une folle. On m’a dit : « Tu refuses une thèse pour vendre des chiffons ? » Huit ans plus tard, je pense qu’on ne peut plus dire ça.

Et comment vos proches ont-ils réagi ?

J’ai la chance d’avoir un papa et un oncle entrepreneurs. Ils ne m’ont pas mis de bâtons dans les roues. Ma mère, elle, m’a beaucoup aidée par nos échanges. Les freins venaient plutôt de mes pairs scientifiques. Pour eux, c’était vraiment spécial. Je ne me suis pas sentie freinée, mais pas non plus poussée. J’ai donc cherché un accompagnement extérieur, comme Ticket for Change. Mes parents comprenaient mon envie d’entreprendre, mais pas forcément les enjeux de transition. Il a fallu du temps pour se comprendre là-dessus.

Vous souvenez-vous d’un moment précis où l’urgence écologique vous a frappée ?

Je crois que ce n’est pas un déclic, mais une accumulation. Ce qui m’a touchée d’abord, c’est le social, avant l’environnemental. Je me souviens d’un influenceur qui avait affrété un avion rempli de riz pour lutter contre la famine. C’était concret. Ça m’a rappelé que, même à mon échelle, je pouvais faire des choses.

À l’Institut Curie, où je bossais, les repas coûtaient 3,50 €. Il y avait trop à manger. J’ai demandé à mes collègues de prendre les fruits même s’ils ne les mangeaient pas, pour que je puisse les redistribuer aux SDF du quartier. De là, j’ai continué à m’engager.

En quoi votre engagement associatif a-t-il aidé à créer WeDressFair ?

L’associatif m’a permis de travailler en équipe, de voir que j’étais capable de faire des choses, de me sentir moteur. Quand on change de voie, le plus difficile, c’est le premier pas. L’associatif, c’est ce premier déséquilibre qui permet d’amorcer le mouvement. C’est ce qui m’a permis de me lancer.

Quelles ont été les plus grandes difficultés au moment de créer l’entreprise ?

J’en ai eu beaucoup. Je ne venais pas de l’entrepreneuriat. J’étais chercheuse, je ne connaissais rien à l’entreprise, au financement, au management. Il n’y a pas de formation à ça dans la recherche. J’ai dû apprendre le fonctionnement d’une boîte, découvrir les enjeux économiques, comprendre un monde que je ne connaissais pas. Mais c’est ce qu’on aime aussi, quand on entreprend.

Et la transition entre vos deux métiers, comment l’avez-vous vécue ?

Au début, ce n’était pas difficile. Ce qui m’a poussée, c’était l’envie d’autre chose. Mais ce qui a été plus compliqué, c’est de me dire qu’en quittant la recherche, je perdais aussi toute ma légitimité scientifique. Je savais que je ne pourrais pas y revenir facilement. C’était dur à accepter. Depuis la troisième, je pensais que je serais chercheuse.
Mais j’ai compris que ce que je voulais vraiment, c’était résoudre des problèmes. Être entrepreneur, c’est aussi une façon de chercher des solutions.

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui veut bifurquer ?

Surtout : ne pas rester seul. On pense qu’on l’est, mais il y a plein de gens qui veulent aider.
Il faut parler de ses projets. Il y aura toujours quelqu’un pour tendre la main. C’est trop dommage de garder ça pour soi.

Dans la même thématique :

Société

Restez informé.e.s !

Un média qui décrypte les enjeux
de transition écologique et sociale

Copyright © 2025 En un battement d’aile - Made with fun

Restez informé.e.s !

Un média qui décrypte les enjeux
de transition écologique et sociale

Copyright © 2025 En un battement d’aile - Made with fun

Restez informé.e.s !

Un média qui décrypte les enjeux
de transition écologique et sociale

Copyright © 2025 En un battement d’aile - Made with fun